Désirs de Ville Éric Orsena
La globalité du monde vue par la diversité, les
enjeux, les préoccupations, les innovations des villes. Voilà l’étonnant voyage
que propose le duo dans ce récit chargé qui fédère un ensemble hétéroclite
d’expériences, de faits, de chiffres, d’anecdotes sur la cinquantaine
d’agglomérations qui, en date d’aujourd’hui, dépassent sur notre planète les
10 millions d’habitants et sur plusieurs autres moins obèses. Hong Kong, avec ses 65 millions d’âmes concentrées au pied du mont
Victoria, Tokyo et Jakarta sont du nombre.
Montréal n’a pas été oubliée, particulièrement pour
illustrer la gestion intelligente de la canopée, les parcs d’arbres, dans les
programmes de lutte contre le réchauffement climatique par l’éradication des
îlots de chaleur.
« La métropole mise sur son patrimoine vert et
développe pour le protéger de nombreux outils législatifs et opérationnels
cohérents, peut-on lire. Les bienfaits économiques annuels rendus par la forêt
urbaine de Montréal sont estimés à plus de 28 millions de dollars. »
Curieux comme un touriste
Des villes qui se développent en colonisant leur
sous-sol, des villes qui s’étendent sur des territoires artificiels construits
sur l’eau, des villes qui se sécurisent face à la peur ou qui se disciplinent
face à la pollution, Orsenna et Gilsoul déambulent dans les nouvelles réalités
de tous ces univers urbains avec la même curiosité qu’un touriste dans les
vieux quartiers de Barcelone, de Paris ou de San Francisco.
En matière de développement durable, « à
Nouakchott [en Mauritanie], les initiatives les plus prometteuses sont nées
dans les quartiers excentrés de Dar Naim et Toujounie », écrivent-ils.
Chaque nouveau quartier se développe autour d’un centre de tri communautaire,
le premier à être connecté à l’eau et à l’électricité. À Sondgo, ville
ultraconnectée de la Corée du Sud, les déchets sont gérés par tube pneumatique,
le parc immobilier est entièrement domotisé et le citoyen peut compter sur des
services d’éducation et de santé offerts de manière virtuelle, alors que Singapour
est le chef de file des « villes éponges », ces villes qui créent des
réseaux entre leurs parcs pour mieux absorber les eaux de pluie et éviter les
inondations.
Avec ce souci du détail qu’on lui connaît, l’écrivain,
en collaboration avec son accompagnateur de circonstance, poursuit son
exploration du monde et des humains qui le façonnent, exploration amorcée en
2007 avec Voyage aux pays du coton. L’avenir de l’eau, Sur la
route du papier et Géopolitique du moustique ont composé la
suite de cette sociologie du présent qui fait escale aujourd’hui au coeur de la
ville. Et de son corps.
Car toute ville est un corps,
résume Erik Orsenna dans son introduction. Du coup, pour être en santé, elle ne
peut certainement pas rester inerte, et quand elle prend soin d’elle, la ville
devient forcément « le plus formidable des réservoirs de la vie ».